Que sorte l’Arcane XIII, l’arcane Sans Nom, et l’effroi se peint sur le visage du consultant. Sauf si l’on a pris le temps de lui présenter, avant tout tirage et en guise de mise en bouche, cet intéressant personnage.
XIII n’a pas de nom, comme Le Mat n’a pas de nombre. Ils sont à part dans le tarot, car tous deux partent pour un nouveau départ, aventureux, risqué sans doute. Il y a eu rupture, explosion, l’un porte son baluchon sur l’épaule, l’autre sa faux qui laboure curieusement la terre.
Observons-le de plus près. Bien sûr, il fait peur par sa représentation immédiate : La Grande Faucheuse, celle des pestes et des guerres du Moyen Âge, squelette à la faux impitoyable.
La mort, donc.
Pour les chrétiens, les morts ont droit à leur jour, le lendemain de la Toussaint, la fête “de tous les saints”, c’est-à-dire des “bienheureux” , des ressuscités du Jugement dernier. Chez les juifs, le cimetière s’appelle la “maison des vivants”. L’arcane XIII, c’est “juste” ça, la mort et la vie. La fin et le recommencement.
Regardez-le, ce grand escogriffe. Ce n’est pas un squelette, mais plutôt un écorché. Les muscles sont là et, surtout, voyez sa colonne vertébrale. Tout en bas de celle-ci, on voit comme un oignon de jacinthe : un épi épais et serré en sort et, sous le crâne, s’épanouit discrètement une fleur.
Ses pieds s’enfoncent dans un tchernoziom, la terre noire si riche en humus des fertiles plaines russes. Le grand échalas coupe pieds, mains et têtes… Mais les visages expriment le calme, voire l’amusement pour celui de droite.
C’est cela l’arcane Sans Nom : il déblaie, il sabre, il débarrasse. Car il faut avec lui passer à autre chose. Et on ne progresse pas sans casse, sans rupture, sans abandon des vieilles habitudes. On n’évolue pas en ne changeant rien. Le phénix de l’Antiquité doit se consumer pour renaître de ses cendres.
L’arcane XIII annonce la fin d’une époque et le début d’une autre. C’est parfois douloureux, c’est toujours un travail. Mais quelle énergie il dégage ! Il avance, tenant fermement sa faux par ses deux poignées, il tranche. Il avance vers la droite, vers le futur. Avec lui s’opéreront des changements radicaux et bienfaisants. Si on ne les a pas choisis, il invite à s’en trouver bien, très bien même.
Bien sûr, il peut signifier la mort physique, mais encore faut-il qu’il soit renforcé dans ce sens par les cartes qui l’accompagnent. Et par plusieurs cartes qui iraient dans le même sens. L’Ermite, La Maison-Dieu, Le Diable, Le Pendu, La Roue de Fortune… Que dire alors? Qu’il serait avisé de consulter la Faculté car il y a peut-être un problème de santé qui s’annonce. Calmement, sans s’angoisser, car le tarot n’est pas le destin, il met en garde. Et pour moi, il est tellement la Vie, cet énergique faucheur-semeur !
Si c’est un proche qui semble concerné, annoncer au consultant une possible épreuve : divorce, perte de l’emploi, rupture familiale. Mais là encore, voir qui est présent autour de XIII. Tempérance, L’Empereur, Le Pape, La Papesse, Le Soleil annoncent une guérison rapide des plaies physiques ou morales et un gain de bonheur, d’harmonie et de réalisation – après le grand nettoyage, évidemment !
Parfois, le grand décharné nous invite juste à courber le dos dans la tempête. Souvent Le Pendu ou L’Ermite le suivent, qui vont dans le même sens. Celui de la patience et de l’acceptation.
Personnellement, je ne parle jamais de mort, car je ne crois pas à la signification unique d’un tirage. Le faire serait juste pervers, car rien n’est jamais sûr. Je veux que les consultants repartent pleins de force pour lutter pour eux-mêmes comme pour ceux qu’ils aiment. Qu’ils s’aident et les aident.
J’invite à faire d’autres tirages pour voir comment se sortir d’une passe difficile. Comment traverser une période qui peut être longue avant que le bout du tunnel s’illumine.
Le tarot est très pertinent pour cela. Il indique de vraies sorties de secours, que je n’aurais jamais imaginées seule, qui me surprennent et m’enchantent…