murmures d’hiver

Les pétales secs bruissent sur les cailloux blancs éparpillés au centre  du rectangle de granit gris. Quelques-uns sont restés accrochés à la branche horizontale de la vieille croix orthodoxe. Recroquevillés, flétris, dentelles de copeaux. Est-ce la bise de janvier ? Ils rosissent, un délicat duvet semble les parcourir, un frisson sur la peau nue. Ils se déplient, frileuses ailes de papillon, s’arrondissent, pétales nouveau-nés qui susurrent :

« Ma fille, ma petite fille, tendre petite fille  de nous, tu nous as quittés il y a si longtemps. Notre rayon de soleil, notre miel à nous, nous n’avons rien compris alors, nous étions si épais, si proches. Nous étions poison versé dans ton eau claire. Vois comme nous sommes maintenant beaux et lointains. Le poison nous a quittés, et la force, et nous laissons glisser vers toi nos haleines parfumées. Mais tu sens notre appel, et nos vieux os s’affolent.  Ne nous rejoins pas, non, non, vis et sens-nous si légers dans ton sillage.  Sens la caresse de nos mains-zéphyr, souviens-toi de nos bouches arrondies en un dernier baiser. La terre qui emplit nos gorges est salée,  comme le sang, comme les larmes,  mais elle ne nous étouffe pas, tu le vois bien, nos paroles  te suivent et embaument ta route. Ne nous rejoins pas, adorable bébé,  délicieuse fillette  aux nattes rebelles, ne te soucie pas de nous, nous sommes si bien dans le blanc de l’hiver, le froid nous enveloppe et nous berce, et tu entends l’écho de nos rires clairs. »

Une feuille parcheminée d’érable vogue et tourbillonne autour de la lourde croix. La voix est profonde et tu n’as plus besoin de tendre l’oreille.

« Fille de  mon fils, oui, toi  qui l’as  tellement négligé. Comme la vie coule en toi avec sauvagerie. Tu pousses tel le brin d’herbe dans la maigre fente du macadam. Mon fils, mon doux trésor de fils, t’a donné sa fièvre et sa joie. Mais te voici qui vacilles, fille de lumière, tu  t’avances vers l’ombre noire des grands cyprès et pour toi le jour est comme la nuit . Ressaisis-toi, redresse-toi, regarde le soleil dissiper les glaciales vapeurs de la nuit, laisse la mésange emplir ton oreille de son chant matinal. Plus tard, plus tard, tu trouveras refuge auprès de nous, le temps n’est pas venu… »

Sarabande des vieux bourgeons fanés de bruyère, pépiement des voix   aigrelettes qui rient, des voix inconnues qui interpellent :

« O fille des Russes et des fous, ô Krasivaïa Viesna, entends-nous aussi, sens nos parfums, respire, respire le vent de nos rires, porte-les comme parures à tes vêtements, fais-les sonner dans l’envol de tes robes, danse, danse, fais s’ouvrir le cercle des ombres funèbres, qu’elles ne puissent qu’à distance respectueuse suivre tes pas, qu’elles perdent ta trace dans les vagues mouvantes et chaudes des folles avoines. »

La bourrasque emporte la spirale des bourgeons mort-nés et des lourdes feuilles, les pétales virent au carmin dans le ciel de bronze mat et tu as desserré la croix de granit gris. La nuit est tombée d’un coup, tu as fermé autour de ta gorge brûlante le col de ta veste en loup. Le bruit chaud des pneus sur la chaussée a guidé ta marche vers la sortie. Comme tu es la dernière, tu as tiré derrière toi la lourde porte de fer.

Fabienne Clairambault

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Petit matin d’hiver

Toujours la même histoire. Le bal du samedi soir, le marché du dimanche matin. Et voilà comment tu te  retrouves à l’aube à balayer le parvis de la mairie, sous le vent glacé et les rafales de pluie. Le soir, tu t’étais couchée fâchée. Tu avait écourté ta soirée, tu redoutais le réveil pâteux, les mains qui tremblent de fatigue, le dos cisaillé de douleurs que le froid ranime.

Et te voilà dans le matin calme, France, ma Francette, comme disait ta maman, tu pousses ton balai aux fausses ramures en plastique vert, et tes mains sont bien au chaud dans la doublure duveteuse des gants. Les feuilles et les papiers gras voltigent en un ballet amoureux autour de toi, tu les poursuis en chantant  « Colchiques dans les prés… ». Le vent caresse ta joue et tu sens malgré toi un sourire se dessiner sur tes lèvres.

Ils sont là, ceux que tu aimes, ils marchent à tes côtés comme chasseurs dans une battue, Lise à droite, enjouée, bavarde, et Henri, serré dans son blouson d’employé municipal, complice. Entente secrète et bruissement léger des balais sur le sol jonché de débris. Il s’est approché de toi et t’a prise par l’épaule. « Ce soir, c’est toujours d’accord ? » Le sang a reflué vers ton coeur et Lise t’a donné un coup de coude dans les côtes.

Comme la vie est douce, une plage s’étend devant toi, au revoir brouillards et soucis d’argent, la mer scintille. Tes pieds sont bien au chaud dans tes bottes noires, comme tu as bien fait de mettre deux paires de chaussettes, le sable est si fin que tu sembles marcher sur un tapis de mousse. Les palmiers agitent leurs larges feuilles et l’ombre est suave à tes yeux éblouis.

Le soleil a percé, pâle et pourtant triomphant dans l’air glacé, et la nuit recule humblement. Henri s’est un peu éloigné, Lise a disparu. Ton corps est délicieusement lourd, jamais tu n’as connu une telle facilité à te mouvoir, tes jambes sont souples et élastiques. Courir le long de l’écume, se laisser bercer par le ressac. Et si tu t’allongeais sur la mer, les pieds en l’air, le dos un peu rond, oreilles dans l’eau, nez au soleil ?

« Tu as le nez tout rouge, mets ton cache-col !  » Il parle comme maman, ton nounours, ton gros homme tendre, sait-il qu’il parle comme ta mère, quand elle était gentille, et calme, et gaie ? Tu lui diras ce soir, ou peut-être pas, tu ne sais pas lui dire ces choses-là. Et puis, il trouverait sûrement ça bizarre, que tu lui dises ça. On verra, ce soir, c’est si loin, il reste encore beaucoup à balayer. Tu rêves au bain délicieux que tu t’offriras ensuite. Le monde est beau, tout est à sa place.

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Visites nocturnes

Quand le  sommeil a plombé nos  membres  et muselé  notre conscience  bavarde, les  morts  viennent  nous visiter.

Ils sont doux et  tendres, et ne savent pas qu’ils sont morts et  nous, nous  ne  nous en  souvenons  pas non plus. Nous nous réjouissons si  fort  de  les voir que, plus  d’une fois, nous nous écrions: “Tu sais, j’ai fait l’affreux cauchemar  que tu étais mort,  quelle folie!” Et  ils hochent   leur vieille  tête  chenue, et  leur regard bienveillant  approuve: “Quelle folie!…”

Alors nous pétrissons leur  main  douce et tiède, et nous leur disons comme ils  sont beaux  et  lumineux avec leur visage reposé, et ils  sont si heureux qu’on les choie et les dorlote, ils n’en reviennent pas. Les vieux morts n’ont pas été gâtés alors  qu’ils vivaient, ils étaient toujours gênants, encombrants, si lents dans le tourbillon de nos vies, un boulet  qu’il  fallait  traîner. On  ne voyait plus d’eux que leurs défauts, pis, comme des objets  ils présentaient  des  inconvénients: tristesse, fatigue, dépendance absolue.

Là, nous  avons du temps,  nous pouvons  tranquillement nous promener dans  les  avenues ombragées, en prenant  garde  qu’ils ne marchent pas du côté des voitures et  qu’ils ne  trébuchent pas. Leur bras si léger  repose sur le nôtre  et  s’y agrippe lorsqu’ils butent sur une pierre  ou tournent  leur fragile  cheville et  manquent de tomber. Nous  nous promenons lentement, et les  paisibles frondaisons des parcs chuchotent à leurs oreilles des mots consolateurs, et nous nous penchons  vers eux:”Tu entends comme  les oiseaux  chantent aujourd’hui ? On les sent fous de  joie.” Nous ne regardons pas nos montres,  car  aucun devoir ne nous appelle, nous sommes là pour caresser  leur  main  tavelée et  douce.

Quelquefois nous parlons à un  mort d’un autre mort : “Tu  sais, maman  est morte,  mais  quel  bonheur que,  toi, tu sois  bien  en vie!” Alors,  il  est étonné, il ne savait pas, ça lui fait un drôle d’effet,  et  nous serrons son corps  faible et osseux dans nos bras,  car nous sentons bien comme ce mot a pour eux, les vieux morts, un  trop proche écho. Nous les protégeons de nos corps sains et forts, de notre joie de vivre, nous formons un  écran entre  la terreur du néant et eux, et nous  les sentons s’apaiser dans nos  bras, tels des bébés rassasiés de lait et d’amour, et ils  s’endorment  enfin.

F.Clairambault

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Plus tard

Plus tard ….

J’ai dit :  “Plus tard, lorsque nous habiterons ensemble…” Il a levé les yeux, légèrement froncé les sourcils. Il n’a rien répondu, il est devenu silencieux. J’ai senti le froid m’envahir. Retirer ça, cette chape de plomb tout à coup sur mes épaules. Il a levé les yeux, sévère ou implorant, je ne sais pas. Un loup solitaire, il trottine seul dans la neige des steppes, pas de compagnonnage possible avec lui, il l’a assez dit. Il ne le répétera pas, il ne l’a pas répété, son corps est devenu dur, je le sais. Il a retiré sa main de la mienne. Parole interdite, image taboue. J’ai brisé l’icône dans son cadre d’argent ciselé, il n’y a pas de réparation possible. L’amertume du café m’est remontée aux lèvres, j’ai caressé le bois si doux de la table, je n’ai pas cherché à reprendre ses doigts, ses longs doigts de pianiste, sa main d’homme dont je ne peux  perdre la caresse. J’aurais dû crier, couvrir le silence de mes promesses : je n’attenterai pas à ta solitude, je ne t’enchaînerai pas, mais je n’ai pas pu. Ça n’aurait servi à rien. Je suis partie dans la nuit, sous la pluie, et ce froid-là semblait doux. J’ai tout détruit, j’ai brisé l’harmonie, j’ai piétiné grossièrement les pousses qu’un maigre soleil de printemps avait fait éclore.

Vivre sans lui, impossible, impossible. Le soleil ne se lèverait plus, ni la lune, ni les étoiles scintillantes dans la nuit d’hiver. Il ne faut pas imaginer l’avenir, il faut juste boire  le délice de chaque minute passée avec lui, s’enivrer du son de sa voix, de la douceur de son sourire, contempler le fin lacis de ses rides, indéfiniment … Mais voilà, j’ai fait surgir de l’ombre un intérieur douillet, un foyer paisible, l’image pour lui menaçante d’une famille, d’un “habiter ensemble” que tout son être rejette. Et punie, punie je serai pour cette folie. Il a retiré sa main, un froid glacial est tombé sur mes épaules, aucun soleil ne saura plus me réchauffer. Je suis froide comme une morte.

F. Clairambault

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Souvenir de Groix

La nature l’ennuyait.

La forêt l’effrayait un peu, mais ce n’était pas une peur agréable, ce n’était  ni excitant ni émouvant, c’était une peur terne, une peur mate.

La mer l’assommait, la montagne l’abrutissait, la rendait incapable d’écrire même une carte postale.

Comme il lui tardait, au cours de ses inévitables randonnées avec ses hommes, de retrouver le pavé luisant de pluie de Paris, l’odeur de la ville,  les lumières des vitrines.Quelle fatigue elle ressentait dans ces courses épuisantes, car, par une fatalité qu’elle se refusait à analyser davantage, elle ne rencontrait que des hommes sportifs, sains de corps et d’esprit, épris de nature et de nourriture bio. Elle qui n’aimait que les lourdes pâtisseries tunisiennes du Quartier latin, gorgées de sucre et de miel, ruisselantes d’une graisse d’origine incontrôlée.

Sur les cimes enneigées, devant les panoramas qui faisaient s’exclamer de bonheur ses amants, elle rêvait aux petites ruelles sombres où se blottissaient ses restaurants chinois préférés: le Shusheng (“Bruissement du vent dans les arbres”), le Yexianghua (“Fleur qui embaume dans la nuit”), le Ruyilou (“Pavillon à votre guise”). Elle avait appris le chinois aux Langues-O, avait voyagé en Extrême-Orient. En fait, elle n’était pratiquement pas sortie de Pékin, elle avait passé des heures à contempler la foule, peu soucieuse de découvertes culturelles, fuyant méthodiquement les sites touristiques. De retour à Paris, elle s’était mise à rêver devant les enseignes illuminées des restaurants chinois. Presque toutes évoquaient de bucoliques paradis, et c’était ainsi qu’elle aimait la nature : ritualisée, abstraite, un pur décor.

Quand il lui annonça son projet de camper une dizaine de jours sur l’île de Groix, merveilleusement sauvage paraît-il, elle vit bien que cela représentait pour lui un sacrifice, une offrande faite à leur amour. Renoncer aux bivouacs dans les séracs – elle ne l’en aurait cru capable pour aucun être au monde. Elle était assez fière et très horrifiée. Supporter la vie sur une île de deux kilomètres sur huit pendant plus de trois jours lui semblait une prouesse dépassant largement ses capacités de résistance nerveuse.

Ils décidèrent de partir un mercredi, dans une dérisoire tentative d’échapper à la bousculade des week-ends. Le bac semblait les attendre, étincelant dans le soleil matinal. Une faible houle le faisait tanguer mollement dans l’air saturé de vapeur de fuel. Une légère nausée lui noua la gorge.

“J’ai oublié mes papiers dans la sacoche du vélo.” Il eut l’air de trouver ça normal, c’était tellement habituel, ces recherches fébriles de tout et de rien. Elle descendit calmement l’escalier de fer pentu, agrippée à la mince rampe branlante, accéléra un peu en traversant le hall aux vélos à l’odeur de vieilles ferrailles et se mit à courir à toutes jambes sur la passerelle métallique qui la reliait à la terre. Son sac ballottait sur son dos, les Pataugas s’enfonçaient dans la boue sableuse et elle sentait monter en elle un formidable accès de gaieté. “Sauvée!” faillit-elle crier en s’engouffrant dans le bus poussiéreux qui la ramènerait vers le centre de Lorient.

F.C.

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L’hiver au coeur

Elle a suivi l’allée parsemée de cailloux blancs. Des arbres aux lourdes ramures se dressent contre le ciel clos. Il a bruiné, maintenant il fait glacial. Au bout de l’allée, un rond-point où grince un manège vide, que le vent fait osciller sous la bâche qui pend. La buvette est fermée, les chaises sont empilées, sales, rouillées. Il lui a dit de l’attendre là.

C’était l’été quand elle l’attendait là. Les cris des enfants ne résonnent plus, ni les rires des mouettes qui remontent la Loire, ni les aboiements des chiens qu’on lâche et qui tournent, fous, autour des enfants. La balançoire tourne sur elle-même, dissymétrique, la corde de chanvre, à droite, s’effiloche. Elle ne prend pas une chaise, comme il lui a suggéré s’il tarde, et il tarde.

Elle marche le long de l’enclos aux biches. Les bêtes frémissantes s’approchent, elle caresse le mufle luisant, le velours des poils entre les yeux. Ses doigts se crispent sur le doux pelage. Douleur dans son ventre, elle se plie en deux, ses genoux touchent sa poitrine. Elle se raccroche aux losanges de fil de fer de la grille, se relève. La boue recouvre ce qui fut en été un fin gazon. “Et-le-fruit-de-tes-entrailles-est-béni.”

Elle descend vers le lac, vers le ponton aux  planches grises et scintillantes de givre, poussière d’argent. L’eau sombre, moirée de longs reflets verdâtres, lui souffle au visage une haleine fétide. Les barques colorées de l’été ont disparu, et les groupes nonchalants, les familles, les amoureux. La torsion dans son ventre a repris, elle gémit, elle s’assoit sur le banc, sous le saule, elle couche son ventre sur ses cuisses, elle se parle, tente de s’apaiser : “Calme-toi, mon petit, calme-toi, ça va aller.” Elle se berce longuement, la douleur est rebelle au balancement, elle ne s’endort pas, la bête qui la dévore au-dedans. Immobile maintenant, couchée sur ses cuisses, elle relève la tête et tourne son regard à gauche. Sur un panneau délavé, un gros enfant joufflu que le vent gifle avec violence lui tend une glace en forme de fusée, multicolore, saccadée dans les rafales. Elle plonge son regard vers la terre. Les talons de ses bottines délicates se sont enfoncés, ses pieds reposent  parfaitement à plat dans la boue fine, souple comme l’argile que modèlent les doigts des enfants. Fulgurance au plus profond d’elle-même.

Elle regarde à droite. La cabane du loueur de pédalos, la cabane en rondins. Sous l’auvent de planches grossièrement assemblées, il pourrait être là. Il a toujours aimé la regarder sans qu’elle le sache. Ou plus haut, derrière le bosquet de buis qui cache une statue de Diane. Ou dans la roue d’écureuil géante qui dévide indéfiniment, en été, les rires des gamins. Il pourrait être derrière, son regard filtrant entre les lattes, immobile, les mains dans les poches.

La douleur a légèrement reflué. Elle se met debout. Quand elle retire ses pieds de la boue, elle entend un léger bruit de succion et deux petites mares oblongues se forment aussitôt. Elle remonte le sentier bordé d’eucubas. Certains massifs portent des boules rouges parfaitement sphériques, luisantes. “Et-le-fruit-de-tes-entrailles-est-béni.” Elle arrive à la placette circulaire, là où le manège dresse sa tente de toile cirée vert sombre. Sur le toit en forme de cône, un creux rempli d’eau reflète l’argent plombé du ciel. “Poche des eaux.” Un filet d’eau dégouline jusqu’à terre, puis crée un ruisselet qui disparaît dans la boue. Deux rouges-gorges sautillent devant elle. “Egorgés.” La douleur ferraille de nouveau dans son ventre. Elle s’appuie contre le tronc d’un hêtre, doux et plissé comme la peau d’une bête. L’écorce est glacée, sombre, presque aussi sombre que le gant de cuir noir qui la caresse. Un jour, elle n’aura plus peur d’être observée à son insu, un jour elle sera libre de ses mouvements et de ses rêves, pour l’instant elle doit suivre les voies que d’autres ont tracées pour elle, et  obéir à leurs ordres silencieux. Contre elle-même, contre son corps, elle a une fois encore obtempéré. Ce n’est sûrement pas la dernière fois. Mais elle sait qu’un jour viendra où la lumière de ce ciel d’hiver qu’elle aime tant l’enveloppera de sa paix et qu’elle sera libre d’en jouir.

Il n’est pas venu, ou il viendra trop tard. Elle ne l’attend plus. Elle a froid mais la douleur a cessé. Elle remonte l’allée déserte, dépasse les grilles blanches sans jeter un regard au parc derrière elle.

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