De très jeunes gens s’avancent vers nous sur la musique de « Je cherche après Titine » du Charlot des « Temps modernes ». Etrangement déhanchés, le regard fixe et impavide, ils plaquent leurs vêtements, souples pour les filles, de jolies robes féminines très cintrées, ou plus raides pour les garçons, des costumes sombres, contre leurs corps. C’est bien « Kontakthof » (« lieu de rencontre »), c’est bien du Pina Bausch, avec cette violence poignante qu’elle instille dans la relation amoureuse. Séduction, enlacement, mise à nu, éclats.
Deux anciennes danseuses transmettent le ballet qu’elles ont joué plus de trente ans auparavant. Et on les reconnaît: Jo Ann Endicott, l’Australienne, la belle, la mutine, la coquette de la troupe. Bénédicte Billiet, la Française, souriante, calme, radieuse et humble. Quel bonheur de les retrouver pour qui a suivi tous leurs spectacles, année après année, qui les a vues vieillir sans disparaître de la scène – de chères vieilles amies, un peu fanées et si merveilleusement talentueuses.
Elles sont de l’autre côté, désormais. Elles guident, elles font répéter ces adolescents tout en pudeur, en vivacité, le coeur meurtri parfois, comme Joy, la « vedette », qui a perdu son père il y a trois ans et qui va, on le sent bien, danser aussi pour lui. Les visages sont filmés avec douceur, la parole encouragée sans être forcée. Le respect et une grande tendresse prévalent, surtout de la part de la si paisible et rayonnante Bénédicte Billiet. On sent Jo Ann plus inquiète (tiendra-t-on les délais?), plus vite agacée, mais telle elle apparaissait déjà dans les pièces du Tanztheater de Wuppertal, et c’est si émouvant de la retrouver.
Un seul regret : on voudrait que le film fût plus long pour voir le spectacle en entier.