On comprend vite qu’on va assister à l’empire de l’addiction sur un être. Addiction à la vengeance, qui va devenir une addiction à la rage de créer, toujours plus vite, plus loin.
Comme dans toute histoire de drogue dure, la destruction, la trahison, les coups bas seront au rendez-vous. Le héros commence par trahir deux “wasps” dont la discrète arrogance l’a humilié, les frères Winkleross. Il leur vole leur idée de site, moins par vengeance que par opportunisme et comme sans y penser.
Plus violente est la spoliation dont va être victime son colocataire et fidèle ami, Eduardo (Andrew Garfield), cocréateur de FaceBook, qui se verra privé de sa part de réussite à l’arrivée d’un tiers, Sean Parker. Justin Timberlake donne à ce personnage une ambiguïté et une séduction sulfureuses, conférant un tournant au film : le jeune geek devient un capitaliste à l’américaine, avec maniement de dossiers financiers et apparition d’avocats d’affaires. On assiste alors à des scènes classiques dans le cinéma américain: scènes de négociations juridiques qui ressemblent a minima aux scènes de procès chères à Sidney Lumet ou à Otto Preminger.
“The Social Network” est un film austère. Il est même décourageant par moments, comme dans la scène d’ouverture. Un film âpre aussi par la quasi-absence d’éléments féminins, quelques filles plutôt insupportables qui tournent autour des geeks, mais rien qui permette de distiller une once de romantisme.
Mais, au-delà du récit de l’extraordinaire réussite du héros, demeurent pour moi des images d’une très grande beauté: en un seul mouvement de caméra, une boîte de nuit “se déplie” en éventail sous nos yeux ; on survole une course d’aviron dépeinte en panoramiques somptueux, puis au plus près de la sueur et des muscles – plans poignants d’intensité qui précèdent un retour dans l’étroitesse de chambres d’étudiant ou dans l’oppressante prison d’un écran qui ouvre sur le monde et se referme sur un garçon à jamais solitaire, frustré, abandonné.
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J'ai beaucoup aimé The Social Network... même si j'ai un poil oublié depuis. Oui, la première scène est éprouvante de remplissage sonore et visuel. Oui, ce Zuckerberg est antipathique... et humain... enfin, humainement geek. Et au-delà de l'esthétique du film, vachement intéressant d'avoir l'impression (car ce n'est peut-être qu'une impression) de comprendre un peu mieux comment ça fonctionne, ces animaux-là.