Un enchantement. La musique, d’abord. Celle de l’ensemble L’Arpeggiata de Christina Pluhar, une merveille de musique du premier baroque du sud de l’Italie, la joie de tarentelles douces et endiablées à la fois, trépidation et harmonie mêlées, une musique que j’ai découverte récemment et que le fim va faire connaître. Alessandro (Stefano Accorsi) est professeur de musique baroque à l’université de Strasbourg – ce qui nous vaut de belles vues de cette ville magnifique. Il enseigne avec un enthousiasme communicatif, n’hésitant pas à danser sur les airs qu’il fait découvrir à ses étudiants ravis.
Veuf inconsolable, il a une fillette de 15 ans, qui en paraît 12 (formidable Lisa Cipriani), avec laquelle les relations se tendent. Il est aussi pourvu d’un frère anarchiste, impayable, qui demande l’asile politique depuis des années, considérant qu’avec Berlusconi l’Italie est devenue une dictature (l’acteur, Neri Marcoré, est extraordinaire). Sympathique parasite, il s’occupe plus ou moins du ménage et des repas de son frère, traînant à longueur de journée en pyjama et peignoir de bain dans l’appartement.
Le film tourne autour de plusieurs coeurs: la relation père/fille avec le désir de l’adolescente de prendre un peu de liberté; la volonté du frère et de celle-ci de trouver à Alessandro une compagne, ce qui donne lieu à d’hilarantes scènes de “rencontres” virtuelles sur Internet, le frère anarchiste prenant sérieusement goût aux échanges épicés que cela permet, toujours sous couvert d’ “oeuvrer” pour son frère; la rencontre d’Alessandro avec des malades en soins palliatifs à qui il propose des lectures (délicieux moment du vieillard qui lui demande, plutôt que du Ismael Kadaré, de lui lire des textes “un peu plus érotiques”) et finalement le lent cheminement d’Alessandro vers un nouvel amour. Tout cela traité avec une délicatesse sans pareille, tout en finesse. J’ai adoré la façon qu’a Philippe Claudel de montrer combien les morts restent présents pour certains êtres, combien choisir de les renvoyer dans l’Au-delà peut représenter une trahison et quel courage il faut pour les laisser à leur “vie de morts”… Là encore, c’est une fillette malade qui lui apprendra que les morts et les vivants ne peuvent se rejoindre, jamais, que ce n’est ni bien ni mal, “c’est juste comme ça”.
J’ai aimé ce film aussi pour ceci – qui n’est pas dit si souvent: les enfants, nos enfants, nous apprennent à vivre en acceptant les deuils, eux que la passion de la vie habite avec tant de force. Pour cela, entre autres, nous devons leur être éternellement reconnaissants, nous chuchote Philippe Claudel avec une infinie discrétion.
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J'avais loupé cette phrase de la jeune fille malade ... Belle analyse pour un billet bien écrit. Cordialement. Marco.
Merci, Marco, pour ce sympathique retour!
Quel re-beau blog ! Très élégant et sympathique. Et comme tu ressembles à ton papa ! Et en plus, tu m'as donné envie de voir ce film.
Tant mieux donc de t'avoir donné envie de voir le film! Pour la ressemblance avec mon papa, je te trouve forte, moi ça ne me frappe pas...