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Sils Maria, d’Olivier Assayas | Fabienne Grünfeld Clairambault
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Sils Maria, d’Olivier Assayas

Beau et mystérieux comme son titre, le dernier film d’Olivier Assayas nous plonge dès les premiers instants dans un huis clos qui réunit une célèbre actrice d’Hollywood de 40 ans, Maria Enders (Juliette Binoche, excellente comme toujours), et son assistante personnelle, Valentine (Kristen Stewart, dont le talent sidère), toutes deux coupées du monde extérieur auquel les relient des appels téléphoniques aussi harcelants que frustrants parce qu’inaudibles. Dans le bruit et l’énervement (on est dans un train à l’ancienne avec couloir étroit et compartiments), Maria Enders doit à la fois préparer un discours-hommage à son pygmalion, auteur et metteur en scène à qui elle doit tout, et régler avec son avocat les conditions matérielles d’un divorce – circonstance qui semble relever d’un autre monde, très éloigné des préoccupations artistiques…

Dans cette confusion riche de mouvement et d’une certaine alacrité s’abat l’annonce de la mort du “découvreur” de Maria Enders. Et contre toute attente – est-ce le bouleversement émotionnel?, une inconsciente culpabilité qui la rend masochiste?-, Maria va décider de rejouer la pièce, mais dans le rôle de la “perdante”. Alors qu’elle était Sigrid, une très jeune femme ambitieuse et perverse qui pousse au désespoir sa patronne, Maria Enders accepte d’incarner la victime de la pièce, Helena, qui finit par se suicider après son abandon par Sigrid.

L’histoire est connue, c’est celle d’All about Eve, de Mankiewicz, avec la flamboyante Bette Davis et la (fausse) timide Anne Baxter. C’est en plus modeste et moins réussi, bien sûr, mais intéressant quand même, Le Rôle de sa vie, de François Favrat, avec Agnès Jaoui en star capricieuse et Karin Viard en admiratrice maltraitée et éperdue d’amour.

Mais au-delà des thèmes, en eux-mêmes déjà passionnants: la menace de l’âge pour une vedette féminine – ” Vieillir, c’est difficile à vivre pour n’importe quelle femme, mais pour une actrice, c’est emmerdant. Très, très emmerdant! », disait Catherine Deneuve dans une interview à Télérama en 1996 ; la fascination trouble qu’une telle personnalité exerce; de fait, sa solitude et sa fragilité… au-delà des thèmes donc, il faut parler de l’exceptionnelle fluidité du film et de la surprise qu’il provoque sans cesse. En ce sens, il agit comme un thriller : on est captivé, on attend, angoissé et impatient, que se révèlent les personnages – dont l’opacité croît à mesure que l’action progresse. L’héroïne la plus étonnante sur ce plan est Valentine, à qui Kristen Stewart prête un mystère et une épaisseur extraordinaires.

Les personnages ne sont jamais ce qu’on pense qu’ils sont. Le mystère des êtres est comme amplifié sans être caricaturé. On attend une bimbo et voici que naît sous nos yeux une jeune femme mûre, aimante et calme ( formidable actrice que la très jolie Chloë Grace Moretz). Olivier Assayas semble prendre plaisir  à faire jouer ses actrices à contre-emploi, il révèle et exalte des facettes d’elles surprenantes.

La plus grande partie du film a pour cadre l’Engadine, magnifique région des Alpes suisses située dans le canton des Grisons, aux lacs majestueux, à la météo pleine de mystère – un “serpent” de Maloja, une concrétion de nuages qui annonce que le mauvais temps est proche et qu’il pourrait “durer toujours”, y est attendu de loin en loin, fascinant d’inquiétante beauté.

Olivier Assayas nous fait découvrir ces panoramiques poignants de splendeur dans la majesté du largo de l’opéra Xerxes de Haendel (https://www.youtube.com/watch?v=uMlxM69ZJFA) ou sur le célèbre Canon pour cordes et basse continue en ré majeur de Johann Pachelbel (https://www.youtube.com/watch?v=ovvxAkRk26o), qu’on redécouvre comme un parfum d’enfance oublié.

Un film juste, précis et d’une beauté à couper le souffle.

 

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